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Affaire Lagarde, comment comprendre le jugement ?

La condamnation avec dispense de peine de l’ancienne ministre de l’économie Christine Lagarde dans l’affaire de l’arbitrage de Bernard Tapie suscite de nombreuses réactions.

Cette dissociation entre le jugement et la sanction repose la question du rôle et de la pertinence de cette juridiction d’exception que constitue la Cour de justice de la République, estime le constitutionnaliste Bertrand Mathieu.

Christine Lagarde lors de son procés devant la Cour de justice de la République (CJR) dans l’affaire Tapie, le 12 décembre 2016. / Thibault Camus/AP

La Croix : Que pensez-vous du jugement qui a été rendu à l’encontre de Christine Lagarde ?

Bertrand Mathieu : C’est une décision totalement incompréhensible pour l’opinion publique. On a le sentiment que la Cour de justice de la République (CJR) a voulu ménager la chèvre et le chou, comme si les juges avaient voulu condamner moralement Christine Lagarde, mais pas pénalement. Or, on était précisément dans une enceinte pénale…

La cour a dispensé de peine la patronne du FMI en invoquant, notamment, sa « notoriété ». Cela rappelle l’adage : « Selon que vous serez puissant ou misérable »…

B. M. : Il est sûr qu’une telle décision alimente l’idée d’une impunité des responsables politiques ! La dispense de peine figure certes dans le Code pénal, mais les tribunaux ne la prononcent que rarement.

La CJR y a en revanche déjà eu recours : dans l’affaire du sang contaminé, elle avait condamné Edmond Hervé tout en le dispensant de peine. Il s’agit là de décisions mal ficelées qui révèlent, selon moi, toute l’ambiguïté des poursuites engagées contre les ministres en exercice. À cet égard, le cas de Christine Lagarde est emblématique.

En quoi ?

B. M. : Parce que dans le dossier Tapie, la justice l’a poursuivie pour ses choix politiques. On peut bien sûr critiquer son recours à l’arbitrage dans le contentieux opposant Bernard Tapie au Crédit lyonnais, mais une mauvaise décision politique est-elle forcément constitutive d’un délit pénal ? De même, peut-on sanctionner Christine Lagarde pour n’avoir pas suivi ses conseillers ?

L’administration a pour mission d’éclairer un ministre, mais c’est à lui ensuite de trancher. Et la justice n’a pas à se prononcer sur les décisions prises. Les juges savent bien d’ailleurs qu’ils sont à la limite entre le politique et le judiciaire et c’est ce qui les amène, in fine, à prononcer un jugement mi-chèvre mi-chou. Ils condamnent, mais sans peine à la clé.

À vous entendre, on assiste à une immixtion croissante du juge sur le terrain politique. C’est bien cela ?

B. M. : Oui, et je crois que cette posture de surplomb des juges vis-à-vis des politiques est dangereuse. Car si le pouvoir de contrôle des juges finit par être plus puissant que le pouvoir de décider, alors on risque d’aboutir à une paralysie du politique. Et plus encore dans le contexte actuel, à l’heure où les élus semblent de plus en plus impuissants et où les juges – nationaux ou européens – acquièrent un pouvoir normatif grandissant.

En créant la CJR, le législateur souhaitait pourtant éviter la mise en cause indue de responsables politiques…

B. M. : C’est vrai. La CJR a été créée en 1993 dans le but de juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leur fonction. Les infractions n’ayant pas de lien direct avec la conduite de la politique de la nation relèvent, elles, des juridictions de droit commun. Le législateur a souhaité créer une juridiction d’exception – composée de trois magistrats et de douze parlementaires élus – pour évaluer au mieux la responsabilité du ministre incriminé et trancher le plus justement et le plus précisément possible entre ce qui relève de l’action politique et ce qui relève du délit pénal. On sait en effet que la frontière entre les deux peut être très ténue.

Pourquoi la CJR est-elle si contestée aujourd’hui ? Que lui reproche-t-on très exactement ?

B. M. : Elle est pointée du doigt du fait de la mansuétude de ses décisions. On reproche aux parlementaires qui la composent de prendre des décisions très bienveillantes envers leurs collègues ministres, parfois élus eux-mêmes. L’autre grief adressé à la Cour a trait à sa lenteur. Il faut souvent attendre de longues années avant qu’une affaire arrive devant sa formation de jugement.

Enfin, les poursuites engagées devant la CJR rendent moins lisible la compréhension qu’on peut avoir de certaines affaires. Juger un ministre devant cette cour d’exception amène les magistrats instructeurs à détacher le volet le concernant du reste du dossier pénal. C’est notamment le cas dans l’affaire Tapie : Christine Lagarde vient d’être jugée devant la CJR sans qu’on ait encore abordé le volet escroquerie du dossier, lequel sera jugé plus tard par un tribunal correctionnel classique.

Faut-il maintenir cette juridiction d’exception ?

B. M. : La question se pose en effet. François Hollande s’était engagé lors de la campagne de 2012 à la supprimer. Mais pour cela, il lui fallait modifier la Constitution et il n’avait pas obtenu le soutien des trois cinquièmes du Congrès. Cet échec ne doit toutefois pas nous empêcher de réfléchir à une réforme de cette cour, voire à sa suppression.

De nombreux juristes plaident, par exemple, pour la mise en place d’une commission de filtrage – composée de personnalités incontestables issues du monde politique mais aussi des rangs des juristes – qui examinerait les faits reprochés au ministre et qui distinguerait bien ce qui relève du champ politique de ce qui tombe sous le coup de la loi. Car il faut éviter l’impunité... sans empêcher l’exécutif de gouverner. C’est là toute la complexité ! Ensuite, une fois ce filtre passé, je crois qu’il faudrait renvoyer les ministres incriminés devant une juridiction de droit commun.

 

Source

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Par Recueilli par Marie Boëton, le 20/12/2016 à 16h56

 

Le Point de vue d’HER 558217_611066385602792_694465029_n.jpg

 

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« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », a dit un jour Jean de la Fontaine.

Christine Lagarde, ex-ministre de l'Economie du gouvernement Fillon, poursuivie pour négligence devant la Cour de justice de la République (CJR) est condamnée par la dite Cour mais dispensée de peine. Les raisons invoquées pour justifier une telle décision : la « réputation nationale et internationale » de la prévenue.

Bien qu’il soit de tradition de ne pas commenter les décisions de justice, après celle-ci on ne voit pas pourquoi l’on se priverait de dire notre incompréhension, pire notre écœurement et notre ressentiment.

Comment ne pas l’être ?

La CJR est une juridiction, créée en 1993 pour mettre fin, aux polémiques récurrentes sur l'impunité des ministres. C’est devant cette Cour que sont sensés comparaitre les Premiers ministres, ministres et secrétaires d'Etat, s’ils ont commis des crimes ou des délits « dans l'exercice de leurs fonctions ». La Cour est composée de trois magistrats professionnels et douze parlementaires.

Christine Lagarde, directrice générale du FMI et ex-ministre de l'Economie y était jugée lundi19 décembre et reconnue coupable de « négligence » dans « l'arbitrage Tapie » mais  dispensée de peine.

Nous avions eu le « responsable mais pas coupable », le CJR vient d’inventer « le coupable mais pas responsable ».

Faut-il rappeler au passage que « l’arbitrage Tapie » est un cadeau fait au saltimbanque et à son épouse de 45 millions d’euros !!!

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Pire : 3 magistrats et les 12 parlementaires ont condamné l’ex- ministre du gouvernement Fillon pour  « négligence », et le conseil d’administration du Fonds monétaire international – FMI – ne s’est pas ému de ce jugement incompréhensif.

Il  a assuré la Dame de « sa pleine confiance ». La peine ne sera même pas inscrite à son casier judiciaire.

Dans la  pétition Change.org en ligne actuellement, qui réclame « un vrai procès pour Christine Lagarde », il est rappelé le cas  d’une personne, sans domicile fixe de 18 ans, qui comparaissait devant le tribunal correctionnel de Cahors pour s’être introduite dans une maison de Figeac et y voler du riz et des pâtes « par nécessité » a été condamnée le 13 mai 2016 à 2 mois de prison ferme !

La question peut très légitimement se poser, comment peut-on laisser se  côtoyer dans notre République une justice normale qui condamne durement  les petits et une justice d’exception qui garanti aux gouvernants une considération de courtisan?  

Qui protège-t-on à travers ce jugement « coupable sans peine » ?

Quels intérêts a-t-on préservés ? Pas ceux de la France en tous les cas.

Pourquoi Stéphane Richard n’e s’est-il pas présenté comme témoin au procès? Il était aux premières places quand cette affaire abracadabrante s’est déroulée.

Qui, à l'époque, a donné les ordres à la Ministre pour que celle-ci commette complaisamment « ses négligences »? François Fillon? Nicolas Sarkozy ?

Christine Lagarde, comme c’est la règle pour tous des citoyens français, doit répondre de ses actes devant un tribunal correctionnel ordinaire et assumer toutes  les conséquences du verdict qui tombera au final.

L’affaire doit être tirée au clair !

Le droit doit s’appliquer à tous, que l’on jouisse au moment de sa mise en cause d’une réputation « nationale ou internationale » ou que l’on soit simple citoyen.

Ceci est une exigence républicaine !

La présidence de la République, dont c’est le devoir, doit faire droit à cette exigence. Faute de quoi, il ne faudra pas s’étonner demain la France écœurée se détourne de ses dirigeants et du pacte social qu’ils sont sensés défendre en toutes circonstances.

Bernard FRAU

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https://www.change.org/p/un-vrai-proc%C3%A8s-pour-christine-lagarde?source_location=petitions_share_skip

 



20/12/2016
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