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L'idéal urbain, cauchemar anthropologique

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Pollution par le CO2 à Paris

Les hommes sont tombés sur la tête ! Après avoir lentement conquis la nature, ils ont systématiquement déserté les campagnes au profit des villes et des banlieues. Depuis un siècle, les métropoles mangent tout, les territoires sont désertés et l'on découvre finalement que le populisme y fleurit !

L'exode rural a été la loi. On en mesure les dégâts : plus de paysans, d'entreprises, d'écoles, d'hôpitaux… La ville, symbole pendant des siècles de liberté et d'émancipation, devient le lieu de toutes les solitudes, y compris des « solitudes interactives » multi-branchées. Y vivent plus de 70 % de la population mondiale et plus de 80 % dans les pays riches.

Il faut une révolution mentale complète pour revisiter ce schéma hallucinant qui a identifié le progrès à la disparition des paysans, puis des ouvriers, pour aboutir à un secteur tertiaire bouffi et sans identité, où s'entasse l'écrasante majorité de la population active.

L'idéal urbain est devenu un cauchemar anthropologique dans lequel s'enfonce l'humanité sans avoir le courage de le remettre en cause.

Pour retrouver un peu d'équilibre ? Revaloriser d'urgence les campagnes et les territoires. Et en premier lieu ceux qui les ont construits durant des générations : les agriculteurs. Avec toutes les formes d'agriculture, céréales, élevages, forêts, fermes, arbres fruitiers,... Rien n'est à sacrifier. Tout est à préserver et à valoriser avec les gains de productivité. Mais aussi des activités artisanales et industrielles, et tous les services publics. Sans oublier le rôle essentiel des cafés, hôtels, restaurants indispensables à toute vie sociale…

Les agriculteurs seraient incapables de s'adapter ? Ils ne font que cela depuis un siècle, au risque de perdre leur âme ! En réalité, il faut faire l'exact opposé de ce qui existe dans ce désert des territoires où les ruraux ne seront bientôt plus que les gardiens des maisons de campagne des urbains.

Revaloriser les campagnes et y réintroduire toutes les formes d'économie, de société et de culture. Et ne pas oublier que nourrir l'humanité est la plus belle et la plus urgente des tâches !

Bref, rétablir la légitimité des territoires ruraux et leurs rythmes.

Retrouver le temps et la durée qui ont été éliminés, jusqu'à prendre comme unité de vie les nouvelles technologies, tellement urbaines, qui donnent l'impression à chacun de pouvoir vivre à la nanoseconde !

Paradoxalement, on accepte aujourd'hui la diversité pour la nature, avec l ‘écologie, qui est aussi un autre rapport au temps, on la nie pour le cadre de vie. L'urbain devient la seule référence « légitime ».

Pourquoi l'homme refuse-t-il pour lui-même la diversité qu'il a enfin acceptée pour la nature ?

Quelle est cette « loi de l'histoire » ? Et pourquoi l'Europe, qui doit son originalité culturelle à un équilibre savant entre agriculture et urbanisme, est-elle la première à dévaloriser les territoires non urbains, systématiquement identifiés au passé ?

Il est urgent de réintroduire la dualité urbain/rural, comme deux mondes égaux et complémentaires. Et surtout éviter l'hypocrisie du « rurbain », l'autre nom pour désigner le grignotage définitif du rural par l'urbain.

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Notre-Dame des Landes la Chaîne humaine (AFP)

Pourquoi ce refus de toute dualité ? Quel progrès dans la domination d'un seul modèle pour les cadres de vie, de travail, de pensée, de création? Alors pourquoi fait-on rêver tous les enfants du monde avec des images de l'agriculture, avec des animaux, des fermes, des champs, des tracteurs pour qu'une fois devenus adultes, ils soient enfermés dans l'urbain ? Mondes urbains qu'ils quitteront d'ailleurs dans d'interminables bouchons, à la première occasion, pour sortir des villes. Pourquoi identifier la modernité à ce monopole urbain ?

Pourquoi le refus de la dualité, pourtant au coeur de toute existence ?

Dominique Wolton

Dominique Wolton est directeur de l'Institut des sciences de la communication du CNRS

Source : Les Echos | 25/11 | 06:00 | 



28/11/2013
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