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Trente ans pour dépolluer le delta du Niger

 

Le Nigeria est le deuxième producteur de pétrole du continent africain… mais à quel prix?

Le blogAfricamix abordait la question le 6 août 2011 en reprenant le rapport sur l’impact de la pollution par hydrocarbures dans le pays d’ Ogoni (delta du Niger, au sud du Nigeria) publié le 4 août par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). Ce dernier est édifiant: 25 à 30 ans de travaux de réhabilitation seraient en effet nécessaires pour dépolluer la région:

«La restauration environnementale du pays Ogoni pourrait s'avérer être l'exercice de nettoyage le plus étendu et le plus long jamais entrepris pour ramener l'eau potable, la terre, les criques et d'importants écosystèmes contaminés tels que les mangroves à un état de santé optimal et productif.»

Cette étude indépendante menée sur une période de 14 mois remet en cause 50 ans d'activité pétrolière intensive et, sans nul doute, peu contrôlée.

A titre d’exemple, l’eau consommée par de nombreux Nigérians de la région serait contaminée par du benzène —une substance hautement cancérigène— à un niveau 900 fois supérieur au plafond préconisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

«Certaines zones, qui paraissent non affectées en surface, sont en réalité gravement contaminées sous terre […] Les scientifiques du Pnue ont trouvé une couche de 8 cm de pétrole raffiné flottant dans la nappe phréatique alimentant ces puits, qui serait liée à une fuite de pétrole s’étant produite il y a plus de 6 ans».

Shell fait partie des multinationales mises en cause par le rapport du Pnue. Le géant pétrolier anglo-néerlandais aurait causé des dégâts considérables dans la région —l’une des plus riches du continent en termes de biodiversité.

Pour Audrey Gaughran, chargée des questions relatives aux enjeux internationaux à Amnesty International:

«Ce rapport prouve que les activités de Shell ont eu des répercussions désastreuses au Nigeria, mais que l’entreprise s’en est sortie en niant cet état de fait pendant des dizaines d’années, prétendant travailler dans le respect des normes internationales les plus élevées […]

Shell ne doit pas se défiler, mais faire face à la réalité et gérer les dommages qu’elle a occasionnés […] Aucune solution ne pourra être trouvée à la pollution du delta du Niger tant que Shell cherchera avant tout à protéger son image aux dépens de la vérité, et aux dépens de la justice.»

L’activité de Shell dans la région serait également responsable de la dégradation des conditions de vie des populations, dont 60% vit des ressources naturelles du pays (agriculture et pêche). Une violation des droits humains à laquelle le gouvernement nigérian n’aurait pas prêté suffisamment attention:

«Ce rapport doit aussi alerter les investisseurs institutionnels. Par le passé, ils ont laissé Shell les duper à grand renfort d’opérations de relations publiques, mais ils attendront désormais de l’entreprise qu’elle assainisse ses activités dans le delta du Niger —aussi doivent-ils soumettre Shell à de fortes pressions afin qu’elle en finisse avec les déversements d’hydrocarbures, publie des informations plus précises sur leurs répercussions et indemnise les personnes déjà touchées», ajoute Audrey Gaughran.

Africamixcite l’écrivain nigérian Ken Saro-Wiwa, précurseur de la lutte contre les abus des compagnies pétrolières en Ogoni dans les années 90:

«L’exploration pétrolière a transformé le pays Ogoni en immense terrain vague. Les terres, les rivières et les ruisseaux sont en permanence entièrement pollués; l’atmosphère est empoisonnée, chargée de vapeurs d’hydrocarbures, de méthane, d’oxydes de carbone et de suies rejetés par les torchères qui, depuis trente-trois ans, brûlent des gaz vingt-quatre heures sur vingt-quatre tout près des zones d’habitation.

Le territoire Ogoni a été dévasté par des pluies acides et des épanchements ou des jaillissements d’hydrocarbures. Le réseau d’oléoducs à haute pression qui quadrille les terres cultivées et les villages Ogoni constitue une dangereuse menace.»

(Membre du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni) et leader d’une campagne non violente contre Shell dans les années 90, Ken Saro-Wiwa a été pendu le 10 novembre 1995 à la suite «d’un procès largement dénoncé par les organisations de défense des droits de l’homme».

Contre toute attente, la compagnieShell a été condamnée en juin 2009 à une amende de 15,5 millions de dollars(11 millions d'euros) pour complicité dans l’exécution de l’écrivain.

 

Source article Slate Afrique 08 08 2011



11/08/2011
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