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Michel Onfray dénonce « le coup d’Etat libéral permanent »

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Fondateur de l'Université populaire de Caen, le philosophe porte un regard très sévère sur la politique menée par François Hollande.

Le philosophe Michel Onfray en novembre 2011. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

L'Obs – "Le PS est désormais ancré à droite", affirmait récemment Emmanuel Todd, tandis que d’autres évoquent une "droite complexée". Souscrivez-vous à cette vision ?

Michel Onfray – Oui, hélas, absolument, totalement. Mais, en ce qui me concerne, c’est une évidence depuis la fameuse ouverture de la parenthèse de la rigueur en 1983, parenthèse qui n’a jamais été fermée !

Le paysage politique s’est reformé autour de Mitterrand qui, dès cette époque, a instrumentalisé le FN pour casser la droite républicaine en deux à des fins de politique politicienne : affaiblir le camp d’en face pour se maintenir au pouvoir et s’y faire réélire.

Pari tenu au-delà de ses espoirs car le FN a aussi cassé la gauche républicaine en deux, ralliant à lui nombre de ses déçus : combien d’anciens socialistes, communistes, cégétistes, voire d’anciens électeurs de la LCR ou de LO se retrouvent-ils derrière le FN de Marine Le Pen relooké par Philippot ?

Le libéralisme gouverne donc de façon bureaucratique (un comble…) depuis 1983, c’est-à-dire sous Mitterrand, Chirac, Sarkozy et désormais Hollande. Soit plus d’un quart de siècle d’une même politique !

En 2005, le refus signifié par référendum de l’Europe libérale qui impulse cette politique a bien montré combien Sarkozy et Hollande méprisaient le peuple puisqu’ils ont mobilisé leurs apparatchiks afin d’imposer ce qui avait été refusé par les urnes. Ce coup d’Etat libéral permanent (un second comble…) n’a pas été oublié par ceux dans le peuple qui ne votent plus, ne votent pas ou votent aux extrêmes pour secouer le cocotier.

Quelles sont les mesures du quinquennat de François Hollande qui vous semblent les plus emblématiques de cela ?

 – La pire, qui les rassemble toutes, est l’omniprésence de la communication pour masquer l’impuissance de l’action. La disparition de la réalité socialiste – qui est faite de renoncements, de compromissions, d’impéritie, de soumission à Bruxelles – est la tâche des communicants.

Les émissions télévisées à deux neurones, les voyages scénarisés avec des figurants, le menhir fondant sous la pluie à l’île de Sein, le guerrier qui monte au combat après l’assaut de "Charlie", la fascisation du FN afin de pouvoir mieux se présenter en Jean Moulin de ce totalitarisme en peau de lapin, jusqu’à l’autoportrait à travers l’hommage aux panthéonisés (résistants, courageux, déterminés, luttant à contre-courant, mais un jour reconnus par l’Histoire…), tout cela cache la nullité de l’action sous des images dont on voudrait qu’elles cristallisent un capital de sympathie transformable en électorat le jour venu.

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LIRE Rocard : "Les socialistes ne savent plus comment l'être"

Quelles sont les trois décisions urgentes que devrait à vos yeux prendre un gouvernement de gauche ?

Un : répartir autrement le temps de travail pour éviter que certains ne travaillent beaucoup et ne soient très taxés pour financer les allocations de ceux qui préféreraient travailler plutôt que d’être assistés pour chercher un emploi qu’ils ne trouveront pas. Autrement dit, baisser le temps de travail sans baisser le salaire et le répartir de façon plus flexible sur une base autogestionnaire avec des comités créés pour l’occasion sur les lieux du travail.

Deux : arrêter d’effectuer des comptages pour savoir si le train, la poste ou les écoles de campagne sont rentables d’un point de vue comptable, autrement dit avoir le sens du bien public et de l’intérêt général et savoir que ce qui n’est pas rentable ici le devient là, quand on a moins besoin de policiers, de gendarmes, de gardiens de prison pour avoir maintenu une société qui protège.

Trois : instaurer une réforme institutionnelle radicale avec septennat sans possibilité de se représenter, proportionnelle intégrale, affectation citoyenne des réserves parlementaires, multiplication des référendums d’initiative populaire et autres projets qu’il faudrait centraliser par des cahiers de doléances.

Pourquoi la gauche antilibérale n’arrive-t-elle pas à se faire entendre en France aujourd’hui ?

Essentiellement à cause de problèmes d’ego… Cette gauche antilibérale ne manque pas de talents, notamment oratoires et tribunitiens, mais ces talents manquent souvent de modestie – et de sens de l’intérêt de la gauche antilibérale. Entre la gauche autiste et idéologique, branchée sur le logiciel -trotskiste et son mégaphone, et la gauche opportuniste et médiatique, branchée sur le logiciel présidentiel robespierriste, il y a pourtant de la place pour un PCF pragmatique et populaire. Mais il lui faudrait, pour ce faire, engager un aggiornamento sévère sur son passé pour retrouver le peuple perdu.

Propos recueillis par

Aude Lancelin

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Publié le 06-06-2015 à 12h07

Source :

http://tempsreel.nouvelobs.com/journaliste/105317/aude-lancelin.html

http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20150604.OBS0127/michel-onfray-denonce-le-coup-d-etat-liberal-permanent.html

 

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10/06/2015
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